En 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnait la pratique excessive du jeu vidéo comme un trouble de la santé. Ce « trouble du jeu vidéo » est identifié dans sa nouvelle classification CIM-11 au même titre que l’addiction à la drogue ou aux jeux d’argent. Les jeux les plus addictifs sont les jeux en ligne multi-joueurs comme les jeux de rôle (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game) tel World of Warcraft et les arènes de bataille (Multiplayer Online Battle Arena) comme Fortnite. Les joueurs peuvent y tisser des liens virtuels et y recevoir des signes de reconnaissance bien plus important que dans la vraie vie (1).
Quels sont les signes d’addiction aux jeux vidéo ?
Selon l’OMS, le trouble du jeu vidéo se traduit par « une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités de la vie quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ». Le jeu peut même passer avant les besoins physiologiques, si bien qu’il n’est pas rare de voir l’enfant addict filer aux toilettes en courant dès l’arrêt d’une partie. Selon les études, cette addiction toucherait réellement entre 2 et 5% des joueurs (2, 3, 4). D’après l’IFAC (Institution Fédératif des Addictions Comportementales) ses principaux symptômes sont :
- Difficultés à contrôler la fréquence, la durée et la cessation du jeu ;
- Désintéressement des autres centres d’intérêts et activités quotidiennes ;
- Poursuite du jeu malgré ses conséquences négatives (disputes, échec scolaire, sommeil) ;
- Délaissement important des autres activités (relations sociales, sport, éducation, famille).
Conséquences de jeux vidéo sur la santé et le cerveau
L’état des lieux réalisé par Griffiths Kuss et King (5) sur les conséquences négatives d’un usage excessif des jeux vidéo fait froid dans le dos : sacrifice du temps extra-jeu (habituellement consacré au travail, aux passions, à la socialisation et au sommeil), augmentation du stress et baisse du bien-être psychologique, absence de relations sociales réelles et enfermement dans la solitude, baisse des résultats scolaires et de la mémoire verbale, comportement agressif et idées suicidaires.
Le cerveau d’un addict aux jeux présente des altérations fonctionnelles et structurelles similaires à celles observées chez les toxicomanes, notamment via une altération du circuit de la récompense peinant à libérer de la dopamine… sauf pendant le jeu et de manière excessive (6).
Politiques de prévention envers les plus jeunes
Précurseur en la matière, dès 2010 le gouvernement Sud-coréen avait mis en place un couvre-feu empêchant les moins de 16 ans de pratiquer le jeu en ligne après minuit. Paradoxalement, afin de protéger sa très lucrative industrie vidéoludique, le pays s’oppose farouchement à la récente décision de l’OMS.
La Chine est le pays qui compte le taux le plus élevé de myopie infantile au monde d’après l’OMS. Pour protéger les yeux des enfants, le ministère de l’Education chinois a pris la décision radicale de limiter la sortie de nouveaux jeux en ligne ainsi que le temps passé devant ces derniers. Pour ce faire, les gamers chinois sont authentifiés par un numéro d’identification national qui permet de limiter les mineurs à deux heures par jour.
Dans la même période, l’Australie a banni de son territoire quatre jeux vidéo jugés trop violents. Le gouvernement australien régule directement les classifications contrairement à l’Europe qui confie cette responsabilité au PEGI (Pan European Game Information), organisation créée par les principaux acteurs du secteur du jeu vidéo regroupés au sein de l’ISFE (Interactive Software Federation Europe).
Comment traiter l’addiction ?
A ce jour, comme pour le traitement d’autres dépendances, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) semblent efficaces pour traiter une addiction grave. L’IFAC préconise une prise en charge bio-psychosociale mixant médical et psychothérapie. Des prises en charge de type « thérapie familiale » associées à des groupes d’entraide présente également un réel intérêt.
Parallèlement, des établissements spécialisés voient le jour. La première clinique européenne a été ouverte à Amsterdam en 2006, en 2011 se fut le tour de la Corée du sud. En 2019, le Royaume-Uni ouvre sa première clinique spécialisée dans le traitement des dépendances aux jeux vidéo. Le Centre for Internet and Gaming Disorders va ainsi accompagner et aider les jeunes âgés de 13 à 25 ans.
En France, les dépendants aux jeux sont accueillis dans des centres généralistes de soins en addictologie. Au regard de l’ampleur du phénomène, il est légitime de se demander si cela restera bien suffisant. L’identification précoce des signes de cette addiction pourrait bien s’avérer un enjeu de santé publique
Sources :
(1) Deeg (2019), Jeux video : passage à l’addiction, Cerveau & Psycho.
(2) Wendy Feng, Ramo, Chan et Bourgeois (2016), Internet gaming disorder: trends in prevalence 1998–2016. Addict Behavior.
(3) Milani, La Torre, Fiore, Grumi, Gentile, Ferrante, Miccoli et Di Blasio (2017) Internet gaming addiction in adolescence: risk factors and maladjustment correlates. International Journal Ment. Health Addiction.
(4) Strittmatter et al. (2015), Pathological Internet use among adolescents: Comparing gamers and non-gamers, Psychiatry Research.
(5) Griffiths, Kuss et King (2012), Video Game Addiction: Past, Present and Future, Current Psychiatry Reviews.
(6) Weinstein, Livny et Weizmanc (2017), New developments in brain research of internet and gaming disorder, Neuroscience & Biobehavioral Reviews.
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