Le stress est-il positif ou négatif ?

Le stress est-il positif ou négatif ?

La nature positive ou négative du stress est loin de faire l’unanimité chez les spécialistes. Certains chercheurs, comme le Professeur Wolf (1), conduisant même des travaux sur ses effets sur la mémoire aux résultats contradictoires. Pour autant, le mythe d’un stress positif perdure dans une société de la performance exacerbée… décryptage.

Les effets du stress sur la santé

Les effets du stress sur la santé n’ont d’évidence rien de positif tant la liste des conséquences négatives est longue : augmentation du niveau de cholestérol, de triglycérides et d’acide urique (2), rythme cardiaque plus élevé au repos (3) et dysfonctionnements cardiaques diverses (4). Le stress s’accompagne aussi de nombreuses somatisations telles que la perte d’appétit, les maux de tête, les douleurs à la poitrine, les troubles gastro-intestinaux ou les troubles du sommeil accompagnés d’insomnies et de fatigues chroniques (5) (6).

Pourtant, le stress reste une réaction physiologique « normale » permettant de mobiliser les ressources nécessaires pour moduler le comportement notamment face à une menace. A moins de considérer l’entreprise comme un lieu de menace, les travailleurs ne devraient ressentir le stress qu’à de très rares et très courtes occasions… comme lorsque retentit une alerte incendie.

Le stress est sain ou malsain ?

Les chercheurs Kanji et Chopra (7) se sont aventurés à qualifier le stress de « sain » ou eustress en l’opposant au stress « malsain », le distress. Selon eux, le eustress correspond à un niveau de stress moyennement important, d’une durée relativement courte, associé à un bon niveau de maîtrise de l’individu concerné.

C’est dans le monde du travail que la notion de stress sain prend racine. En effet, nombreux sont les travailleurs qui déclarent ne bien travailler que sous stress (8), en cela qu’il stimulerait la créativité et inciterait à dépasser les difficultés pour réussir (9). Le eustress entrainerait donc l’énergie nécessaire pour faire face à une demande et renforcerait la confiance en ses capacités (10).

Dans un monde économique conduisant à performer en continu, considérer le stress comme nécessaire pour performer est un principe dangereux. Des travailleurs soumis à un stress continu devront faire face à de lourdes conséquences physiologiques et pathologiques. Et si la vérité était ailleurs ?

Peut-on considérer une maladie comme positive ?

Cette notion de stress positif tend à être de plus en plus remise en cause notamment au regard des effets néfastes sur la santé. Concernant le monde du travail, le Professeur Rodet (11) démontre que, dans 75% des cas, dès que le stress augmente la performance baisse. Le stress érode directement la motivation et, par conséquent, nuit à la performance. Par exemple, répondre à un mail énervant consomme une énergie telle qu’il est quasiment impossible de se reconcentrer ou de reprendre un rythme normal avant plusieurs heures.

A ce titre, Salengro (12) défend que revendiquer le stress comme potentiellement positif reviendrait à considérer une maladie comme positive. La confusion vient certainement du fait que de nombreuses performances suivent une phase de stress ponctuel comme, par exemple, prendre la parole en public, remettre un rapport urgent ou changer de poste de travail. Quand la situation de stress prend fin, les symptômes s’estompent quelques temps après (13). Banaliser le stress ou le considérer comme bon pour la performance reviendrait à dupliquer volontairement des situations de stress ce qui serait inexorablement néfaste pour la santé.

Les nouveaux modèles managériaux comme le management libéré nous montrent une nouvelle voie, celle d’un management plus bienveillant cher au Professeur Rodet (11) visant à réduire au maximum les situations de stress, mêmes ponctuelles, pour renouer les travailleurs avec la motivation et la performance durable.

Dr. Julien Granata, Enseignant-chercheur à Montpellier Business School

Sources :

(1) Wolf, Schommer, Hellhammer, Reischies and Kirschbaum (2009), Moderate Psychosocial Stress Appears Not to Impair Recall of Words Learned 4 Weeks Prior to Stress Exposure, The International Journal on the Biology of Stress.

(2) Shirom, Westman, Shamai and Carel (1997), Effects of Work Overload and Burnout on Cholesterol and Triglycerides Levels: The Moderating Effects of Emotional Reactivity among Male and Female Employees. Journal of Occupational Health Psychology.

(3) De Vente, Olff, Van Amsterdam, Kamphuis and Emmelkamp (2003), Physiological differences between burnout patients and healthy controls: blood pressure, heart rate, and cortisol responses, Occupational and Environmental Medicine.

(4) Lerman, Melamed, Shragin, Kushnir, Rotgoltz, Shirom and Aronson (1999), Association between burnout at work and leukocyte adhesiveness/aggregation, Psychosomatic Medicine.

(5) Burke, R. J., & Deszca, E. (1986). Correlates of psychological burnout phases among police officers. Human Relations.

(6) Melamed, Ugarten, Shirom, Kahana, Lerman and Froom (1999), Chronic burnout, somatic arousal and elevated salivary cortisol levels, Journal of Psychosomatic Research.

(7) Kanji and Chopra (2009), Psychosocial system for work well-being: On measuring work stress by causal pathway, Total Quality Management & Business Excellence.

(8) Roussillon et Duval-Hamel (2006), Le stress des dirigeants : mythe, compétence clé, risque pour l’entreprise ?, EM-Lyon, Cahier de recherche n° 2006/03.

(9) Dolan et Arsenault (2009), Stress, estime de soi, santé et travail, Presses de l’Université du Québec.

(10) Bal, Campbell and Mcdowell-Larsen (2009), Good vs bad stress: distinguish between the two, Personal Excellence.

(11) Rodet (2011), Se protéger du stress, Eyrolles.

(12) Salengro (2005), Le stress des cadres, L’Harmattan.

(13) Robatel (2009), De quoi parle-t-on ? Diverses définitions, dans Thebaudmony et Robatel, Stress et risques psychosociaux au travail, Problèmes politiques et sociaux, n° 965, Editions la documentation française.

Julien Granata

Dr Julien Granata est Enseignant-chercheur - Membre du laboratoire Montpellier Recherche en Management - Coach Professionnel Certifié - Instructeur de méditation

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