Le cycle des saisons en MTC et leur respect dans la vie moderne

Le cycle des saisons en MTC et leur respect dans la vie moderne

Série sur les cycles – Episode 1 

Selon les principes du Dao, on retrouve dans les lois fondamentales de l’univers les déplacements du soleil dans ses quatre orients ou les quatre saisons. Les rythmes de l’être humain sont ainsi influencés par les révolutions de la Terre autour du soleil ou par ses rotations qui engendrent les alternances de jours et de nuits.

La Chine traditionnelle a construit sa philosophie et sa médecine en observant plusieurs cycles de temps dont le cycle annuel fondé sur l’alternance des quatre saisons. Ce peuple d’agriculteurs a vécu en osmose avec la nature pour se conformer à ses lois. La vie moderne est bien moins orchestrée par le rythme des saisons que ceux de l’entreprise, des transports, des horaires d’accueil scolaires ou des programmes télévisés récréatifs.

Le cycle annuel des saisons

D’après le Suwen, le printemps – entre le 5 février et le 5 mai – correspond à « un jaillissement et un déploiement » (1). Au printemps, le Qi s’extériorise pour favoriser la production de la poussée de la vie. C’est au printemps que la luminosité gagne, les journées se rallongent, la température se modifie sous l’effet de la montée du Yang. Les organismes sont plus enclins à rallonger les journées de travail. C’est aussi la période du « grand nettoyage » pour bien préparer l’arrivée de l’été.

L’été – entre le 5 mai et le 5 août – est la saison de la croissance et de la luxuriance. Les surplus d’activités sont absorbés par une vitalité débordante. Les journées s’allongent car l’on se couche plus tard et se lève plus tôt. Le Qi est à son apogée et la force vitale doit être tempérée pour éviter les excès. Dans la vie active, c’est la période de réalisation des grands travaux et des projets. C’est l’été que les ambitions culminent au moment où la chaleur est à son firmament.

L’automne – entre le 5 août et le 5 novembre – est la saison de la récolte, de la surabondance et de l’équilibre. Le Qi ne se répand plus en dehors. C’est un moment de paix, de retour à la tranquillité, où l’on se contente de récolter les fruits de son travail. C’est aussi le temps des bilans, où l’on prend le temps de séparer le grain de l’ivraie pour ne conserver que l’essentiel à la saison suivante. A nouveau les journées se raccourcissent. Pour profiter pleinement de ce retour vers soi, on se couche et se lève plus tôt. L’énergie décroit lentement et l’activité doit être maîtrisée.

L’hiver – entre le 5 novembre et le 5 février – est la saison de la conservation, de l’enfouissement et de la retraite. L’hiver est consacré à l’entretien et la thésaurisation. Le Qi s’intériorise pour se préserver. L’individu doit alors se focaliser sur lui-même pour strictement s’occuper à se posséder, à se préserver jusqu’au printemps. En cette période, on se couche tôt et se lève plus tard.

Vie moderne et désynchronisation de l’activité physique

Très tôt, la Chine traditionnelle s’est intéressée à ce que l’on appelle de nos jours la « chronobiologie » ou l’étude des rythmes biologiques des êtres vivants. La chronobiologie distingue plusieurs domaines de rythmes comme les « infradiens », supérieurs à 24 heures, dont les rythmes « circannuels » ou saisonniers font partis. Eu égard de ces rythmes, la pratique sportive devrait se dérouler progressivement sur une année :

  • Au printemps, la reprise du sport se fait progressive. Randonnées, petites courses, gainages, étirements, aérobie douce, accompagnent le corps et l’esprit dans ce regain d’énergie printanière. Cette préparation physique est indispensable à une reprise plus active du sport en deuxième partie de printemps.
  • L’été est propice à une pratique intense du sport, sous couvert d’une bonne préparation printanière, jusqu’à la compétition pour les plus chevronnés.
  • En automne, la musculature acquise durant l’été permet de capitaliser tout en réduisant progressivement l’intensité et la durée. Le sport est pratiqué pour s’entretenir, pour préserver l’énergie.
  • L’hiver est la période de la trêve. L’activité physique est pratiquée avec parcimonie, en douceur, au chaud, car l’énergie en plus petite quantité ne doit pas s’extérioriser pour être relancée au printemps suivant.

La vie moderne active conduit à une désynchronisation de l’activité sportive avec le rythme des saisons tout en contraignant à une dépense d’énergie continue sans baisse de régime. Généralement, la reprise du sport s’effectue au début de l’automne pour atteindre son apogée l’hiver et se ponctuer l’été par les compétitions. La fin de l’été marque d’ailleurs le départ en vacances et un repos souvent de trop courte durée. L’hiver est paradoxalement la période de montée en régime des clubs sportifs après la reprise automnale de septembre.

Vie active et saisonnalité

Le rythme en entreprise, hormis pour celles dont l’activité est saisonnière dans des secteurs comme le tourisme ou l’agriculture, accentue ce phénomène de désynchronisation avec le rythme biologique naturel. Les grandes vacances consacrées au repos sont situées l’été au moment même où les individus disposent le plus d’énergie. Au lieu de se reposer, ils se dépensent pour profiter des congés aggravant par là même la fatigue résiduelle liée au surplus d’activité des mois précédents. Même s’ils se reposent l’été, l’énergie manquera au printemps suivant si l’hiver n’est pas associé à une véritable trêve. D’ailleurs, durant les vacances d’hiver, bon nombre s’adonnent au sport d’hiver consommateur d’énergie et générateur de blessures. Les vacances dites « de noël » sont souvent synonymes d’abus de nourriture, d’alcool, et de manque de sommeil qui accentuent la fatigue résiduelle.

Finalement, très tôt, les rythmes scolaires imposent à nos enfants de s’activer l’hiver et de se reposer l’été. Heureusement, la vigueur de la jeunesse conduit à s’activer tout de même l’été mais le repos nécessaire de l’hiver n’est pas toujours respecté. Les nombreuses activités périscolaires, auxquels sont soumis les enfants, cumulées aux heures consacrées aux écrans récréatifs rognent sur les temps de sommeil et de repos. Pas étonnant que l’attention des plus jeunes deviennent un enjeu majeur des sciences de l’éducation.

Le rythme naturel des saisons et la chronobiologie devraient nous conduire à reconsidérer très largement la manière dont nous organisons notre vie, nos vacances ou notre activité sportive. Malgré leurs politiques de responsabilité sociale (RSE), les entreprises prennent trop peu en considération ces lois naturelles alors que leur influence sur la performance est évidente. Les recherches sur ce sujet restent étonnamment pauvres dans le monde des sciences de gestion.

Références :

(1) Kespi (2002), Médecine Traditionnelle Chinoise : L’homme et ses symboles, Albin Michel.

Julien Granata

Dr Julien Granata est Enseignant-chercheur - Membre du laboratoire Montpellier Recherche en Management - Coach Professionnel Certifié - Instructeur de méditation

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